9 Septembre 2023
Pour tous les enfants la rentrée de septembre, après les vacances d’été, est un moment attendu, mêlé parfois d’appréhension.
La rentrée dont je vais vous parler, devait, elle, avoir lieu le premier octobre. En effet, depuis 1938, les vacances scolaires avaient été allongées pour s’adapter aux dates de congés payés des parents salariés et commençaient donc le 15 juillet. Elles s’achevaient le 30 septembre afin que les enfants des campagnes puissent participer aux travaux des champs (moissons, vendanges...)
Mais le 3 septembre 1939, à 17h, la France déclare la guerre à l’Allemagne, suite à l’invasion de la Pologne.
Le glas sonne dans toutes les églises de France et l’ordre de mobilisation est décrété.
Pour les enfants devant effectuer leur rentrée, cela signifie voir partir leur père pour la guerre. Alors qu’un portrait d’un oncle, d’un grand-père disparu pendant la 1ère guerre mondiale, trône dans beaucoup de maisons ou appartements, les écoliers se rendent-ils compte des possibles conséquences de ce départ ? Peut-être pas tous, mais, vingt ans après « la der des der », cette entrée en guerre doit être angoissante pour toutes les familles.
Mais pour les enfants des villes susceptibles d’être bombardées, la rentrée va être encore plus mouvementée. En effet, le 11 juillet 1938, l’assemblée nationale avait voté une loi sur « l’organisation générale de la nation en temps de guerre ». Un des axes de cette loi était l’évacuation des enfants des villes, afin de permettre l’emploi des femmes dans les industries de guerre.
Entre février et août 1939, les familles de la région parisienne avaient reçu des consignes concernant l’évacuation des enfants. Cette évacuation devait avoir lieu dès l’ordre de mobilisation générale reçu et concerner environ 95000 enfants.
A cette époque 4/5 des parisiens ont des origines et des attaches en Province. L’ordre de mobilisation ayant été donné le 3 septembre, beaucoup d’enfants sont encore en vacances dans leur famille.
Néanmoins, pour ceux déjà rentrés, ou ceux qui ne sont pas partis (environ 31000), l’évacuation commence sous la responsabilité des mairies et de l’Education Nationale, et ce dès la fin du mois d’août, comme par exemple ici à Nanterre.
Si les régions et villes d’accueil ont été définies en amont, l’accueil des petits réfugiés ne sera pas toujours optimal. « La plupart des enfants ont couché sur la paille dans les salles d’école, la commune manque d’eau et les WC sont à peu près inconnus » écrit M. Dufaud, instituteur d’une école de garçons de Boulogne-Billancourt au maire de sa commune, afin de lui relater les conditions d'accueil du groupe d’enfants dont il a la responsabilité.
Cette situation a pour conséquence qu’en janvier 1940, les 2/3 des enfants évacués sont de retour en région parisienne.
Mais la rentrée doit avoir lieu. Le ministère en fixe la date au 2 octobre. Le Petit Parisien du 9/9/1939 en relate les modalités.
Où eut lieu la rentrée de mon père Roland Plantard né en 1932 ? Je ne le sais pas. Il habitait Paris, 5 rue du Texel, dans le 14ème arrondissement avec ses parents. Son père Joseph a été mobilisé le 4 septembre et est arrivé le lendemain à son corps d’armée. Sa mère Alice, cuisinière chez des particuliers, a vraisemblablement continué à travailler.
Roland a été évacué en Normandie, sans doute avec les enfants du 14ème arrondissement, mais où ? Ensuite, il a dû revenir à Paris avant de partir pour le Morvan où il était réfugié chez ses grands-parents à Villapourçon, petit village de la Nièvre. Voici la photo de classe de l’école du village en 1940.
Sur la photo seulement 37 enfants, il s’agit sûrement d’une seule classe (celle des petits). En effet, au recensement de 1936, il y avait 3 enseignants à Villapourçon : Mr et Mme Clairet et Mr Chaussard, ce qui laisse supposer que l’effectif de l’école devait être plus important.
En 1936, Villapourçon comptait 1671 habitants, contre 2787 en 1881.
A la fin du XIXème siècle, Villapourçon comptait 4 écoles : l’école des garçons et l’école des filles situées dans le bourg ; l’école du hameau de Sanglier et celle du hameau du Puits, qui, elles, étaient mixtes. Au total 342 enfants de 5 à 13 ans étaient alors inscrits dans ces 4 écoles, dont 181 à l’école des garçons du bourg.
L’école du bourg, fréquentée mon père, avait été construite en 1883, dans le même bâtiment que la mairie.
Contrairement aux écoles des hameaux du Puits et de Sanglier, l’école du bourg (que ce soit celle des filles ou celle des garçons) était construite sur plancher et était pourvue de lieux d’aisance, aussi bien pour les enfants que pour les adultes, et d’une pompe fournissant de l’eau.
Pour voir l’état des lieux des écoles de Villapourçon en 1884, voici le lien
Je ne sais pas combien d’enfants étaient scolarisés en 1939, ni combien d’enfants réfugiés ont gonflé les effectifs. Mais quand on connait l’importance du nombre de Morvandiaux et de Morvandelles monté(e)s à Paris depuis le développement du chemin de fer, on peut penser que beaucoup d’enfants sont revenus dans leur famille à cette époque.
Mon père Roland, était, lui, chez ses grands-parents, Jean Marie Derangère et Françoise Gautheron, mes sosas 10 et 11. Ceux-ci habitaient les Mouillats, une ferme sur les hauteurs de Villapourçon.
Comme beaucoup de fermes morvandelles à cette époque, le bâtiment était composé d’une grange dans laquelle étaient stockés le bois pour le chauffage et le fourrage pour le bétail. Les vaches et bœufs pouvaient, quand ils n’étaient pas dans le pré derrière la ferme, être enfermés dans l’écurie, attenante à la grange (les mangeoires communiquaient). Un clapier était à l’arrière de la maison. Il y avait sûrement aussi un poulailler, mais je ne sais pas où il était.
La partie habitation ne comprenait qu’une seule pièce, avec une cheminée, une table, une armoire et 3 lits de deux personnes. Les deux premiers lits étaient séparés du 3ème par des rideaux. Un four était accolé à l’arrière de la maison. La fontaine était dans le pré derrière. Evidemment, l’électricité n’était pas encore arrivée.
En plus du pré à l’arrière de la maison, il y avait un jardin et au moins un champ qui était cultivé.
Mon père est-il resté dans le Morvan jusqu’en 1944 ou 1945 ? Je ne le sais pas. Son grand-père, Jean-Marie est décédé en 1943. Ce que je sais, en revanche, c’est que cette période passée dans la famille lui a permis d’apprendre le Morvandiau, qu’il parlait encore avec les anciens du village, dans les années 1980.